De Delacroix aux surréalistes
364 pages

Editions Ides et Calendes

Julien Bogousslavsky

 

Comment voir ce que nous lisons, traduire les abstractions qu’indiquent les mots en images concrètes? Depuis les premiers manuscrits à peinture, les hommes s’y sont essayé. On a orné, décoré, illustré. Inversement, que nous dit un tableau, une gravure, une image? Comment les traduire en mots? Car la peinture n’exprime peut-être rien de précis, pas plus que la musique, parce qu’il n’y a pas de dictionnaire des formes et des couleurs, avec un sens préexistant que l’œuvre traduirait. Ce n’est pas le sujet traité qui fait la valeur de l’œuvre d’art.

Ici, comme fil conducteur, nous ne trouvons pas seulement un ensemble unique de livres rares, mais sa description, et de précieuses informations sur l’histoire de chaque livre, présentées comme une histoire – partielle bien sûr – de l’art et de la littérature. Nous trouvons la science de Julien Bogousslavsky, qui, alors qu’on croit déjà tout savoir grâce à lui, rajoute encore des éléments inconnus: autour de Du côté de chez Swann dédicacé à Jean Béraud, c’est toute l’histoire des duels proustiens qui revit. Ou il nous rappelle ce que l’on avait oublié, par exemple que Delacroix s’est inspiré moins du texte de Goethe (auquel son livre avait d’ailleurs plu) que des illustrations antérieures, vérifiant une idée de Malraux, selon qui les peintres dialoguent non avec la réalité, mais avec leurs prédécesseurs.

Rareté des livres, de leur provenance, de leurs dédicaces, de leurs aventures: tout concourt au plaisir, à la surprise, à l’admiration. Parfois une relique ou une épave retrace une histoire de grandeur et de misère, la touchante fraternité des génies méconnus, tel L’Après-midi d’un faune illustré par Manet et dédicacé superbement par le poète à Gauguin, «au sauvage et bibliophile», sauvé (sans sa couverture) pour 75 centimes par Segalen. L’histoire de la bibliophilie se conclut sur un pianissimo.